Intro :
Jukes Boxes chez Saidani - extrait de la bande originale de Max et les
Ferrailleurs (Phillipe Sarde, 1970). Disponible sur la compilation allemande
Shake Sauvage - french soundtracks 1968 - 1973. Crippled Dick Hot Wax !.
La Turquie peut-elle rentrer dans l’ Europe ?
Oui, mais ça peut poser des problèmes de copyright.
Du milieu des années 60 à la fin des années 70, la production turque, jusque
là assez chiche, s’emballe pour atteindre son zénith avec 301 films produits
en 1972. Avec un mépris souverain pour les législations en matière de droits
d’auteur mais forts d’un enthousiasme pour lequel il leur sera beaucoup
pardonné, les artisans du Turkish Pop Cinema décrètent de facto que tout relève
du domaine public et inondent le marché domestique de remakes, plagiats,
hommages, resucées, piratages, prolongements, hybridations, appropriations
et autres greffes aventureuses qui tournent la tête de l’historien méticuleux
et saturent les fantasmes criards du cinéphile déviant.
Turkish Pop Cinema Double Bill
THE DEATHLESS DEVIL (AKA : Yilmayan Seytan / L’invincible batman)
de YILMAZ ATADENIZ
TURQUIE / 1972
GENRE : L’ENFANCE DE L’ART
AVEC : KUNT TULGAR, MINE MUTLU, EROL TAS, MUZAFFER TEMA...
MUSIQUE: PAS DE DELATION, S’IL VOUS PLAIT.
DUREE : 84 MIN.
VIDEO : FORMAT 1.33:1 -4/3
AUDIO : TURC — STEREO
SOUS-TITRES : ANGLAIS (optionNels)
TARKAN VERSUS THE VIKINGS (AKA : Tarkan Viking Kani)
de MEHMET ASLAN
TURQUIE / 1971
GENRE : OH MON DRAKAR !
AVEC : KARTAL TIBET, EVA BENDER, SEHER SENIZ, FATMA BELGEN..
MUSIQUE: N’INSISTEZ PAS !
DUREE : 84 MIN.
VIDEO : FORMAT 1.33:1 - 4/3
AUDIO : TURC — STEREO
SOUS-TITRES : ANGLAIS (OPTIONNELS)
SUPPORT : DVD ZONE ALL NTSC (USA)
EDITEUR: MONDO MACABRO
BONUS : DOCUMENTAIRE : TURKISH POP CINEMA – NOTES DE PRODUCTION - BANDE-ANNONCE DE LA COLLECTION
Après un triptyque déjà voué à la gloire des
super(anti)héros masqués, du serial américain et de la bande
dessinée de quat’sous - Kilink Istanbul’da (Kilink à Istanbul),
Kilink Uçan Adama Karsi (Kilink contre l’homme volant), iliink Soy ve
Oldur (Kilink déshabille et tue), tous trois tournés simultanément
en 1967 - Yilmez Atadeniz continue de mitrailler son amour de la culture
populaire avec ce remake du Mysterious Doctor Satan. Son film, tonitruant,
fonce à si vive allure qu’il plante sur les starting-blocks cohérence,
continuité et notion de point de vue (voir la scène où le Doktor Sheytan
derrière son écran de contrôle jouit des multiples angles
de prises de vue filmés par une seule et unique caméra de surveillance).
Ce qu’on dénoncerait en d’autres productions comme d’embarrassantes
erreurs de script devient ici marque de fabrique, figure de style. Si les
numéros du balourd Bitik, acolyte libidineux et fétichiste
du cocaïnomane de Baker Street, parasitent sérieusement le
métrage, l’épilogue culmine à un tel degré
d’idiotie béate que oui, nous devons le confesser, nous avons ri.
Devrait être étudié dans les écoles de cinéma.
Quatrième opus d’une geste qui en comporte sept, Tarkan Versus the Vikings
leste les fières épaules du Hun Turc d’une double mission :
venger son ami, son frère, le chien Kurt, incarnation animale de la
noblesse et des valeurs ancestrales («Kurt is raising his son like a good
Turk»), et sauver la fille d’ Attila, décédé quelques
siècles plus tôt, d’un sort pire que la mort. Sur sa route, Toro,
le plus gaulois des Nordiques, Lotus, l’irrésistible empoisonneuse bien
(stéréo)typée, une pieuvre géante qui se
déballonne et quelques couches accueillantes, car il faut bien. Ed Wood
aux Folies Bergères sur un livret de Robert E. Howard. Les grands
enfants pervers priseront ce spectacle aussi naïf que furieux où
l’on s’occit dans l’allégresse au milieu des fourrures et des pompons.
Tarkan Versus the Vikings bénéficie grandement de l’improbable
contraste entre son univers factice aux couleurs très soutenues et une
violence exubérante qui ne demande qu’à s’afficher dans toute
sa splendeur tapageuse et maladroite. Gare, toutefois, à ne pas
réduire le film à ses débordements car chaque vision est
riche de découvertes. Une fraîcheur primitive sous un ciel d’azur.
En complément de programme, un documentaire maison de 24 minutes produit
pour Channel 4 nous malmène joyeusement les orbites avec moult extraits
et visuels à la rugosité rien moins qu’alléchante. On
chérira notamment les étonnantes images
détériorées de Kilink Istanbul’da auxquelles un noir et
blanc strié et le jeu outré de l’actrice confèrent un
parfum archaïque et vénéneux. Quelques protagonistes de la
grande époque livrent leurs impressions entre fierté teinté
de distance (l’indéracinable Cüneyt Arkin, synthèse locale
de Douglas Fairbanks, John Wayne et Alain Delon), militantisme (Yilmaz Atadeniz),
incrédulité persistante de s’être vus proposer les pires
incongruités et dépit d’avoir été cantonnés
aux sempiternels clichés (le cogneur et la belle dénudée).
Enfer de l’exploitation quand tu nous tiens !
D’autres infos encore dans le dossier Fantastik Türk Sinemasi (bref
historique et onze films chroniqués) paru dans Trash Times #11
(automne-hiver 2002) qu’il eût été de bon aloi d’acheter
en son temps. Il n’est peut-être pas trop tard pour aller miauler sur
le site trash-times.com
d’autant que celui-ci propose également
un entretien avec l’éclectique Pete Tombs, Mr Mondo Macabro.