Chroniques de cinéma-bis

Repères, anecdotes et noms écorchés au micro

- On voulait rendre hommage à nos chers disparus... (émission 86 du 2006-02-08)
- Mummy blues et vieilles lanternes (émission 83 du 2005-12-13)
- Turkish Pop Cinema Double Bill (émission 81 du 2005-11-15)
- Bacchanales infernales : le Péplum décadent (émission 74 du 2005-05-17)
- Mario Bava et Jesùs Franco : oui au cinéma fantasmatique européen (émission 73 du 2005-05-03)
- Le nouveau Trash Times (émission 70 du 2005-03-22)


Intro :

Jukes Boxes chez Saidani - extrait de la bande originale de Max et les Ferrailleurs (Phillipe Sarde, 1970). Disponible sur la compilation allemande Shake Sauvage - french soundtracks 1968 - 1973. Crippled Dick Hot Wax !.


La Turquie peut-elle rentrer dans l’ Europe ?
Oui, mais ça peut poser des problèmes de copyright.

Du milieu des années 60 à la fin des années 70, la production turque, jusque là assez chiche, s’emballe pour atteindre son zénith avec 301 films produits en 1972. Avec un mépris souverain pour les législations en matière de droits d’auteur mais forts d’un enthousiasme pour lequel il leur sera beaucoup pardonné, les artisans du Turkish Pop Cinema décrètent de facto que tout relève du domaine public et inondent le marché domestique de remakes, plagiats, hommages, resucées, piratages, prolongements, hybridations, appropriations et autres greffes aventureuses qui tournent la tête de l’historien méticuleux et saturent les fantasmes criards du cinéphile déviant.

Turkish Pop Cinema Double Bill

THE DEATHLESS DEVIL (AKA : Yilmayan Seytan / L’invincible batman)
de YILMAZ ATADENIZ
TURQUIE / 1972
GENRE : L’ENFANCE DE L’ART
AVEC : KUNT TULGAR, MINE MUTLU, EROL TAS, MUZAFFER TEMA...
MUSIQUE: PAS DE DELATION, S’IL VOUS PLAIT.
DUREE : 84 MIN.
VIDEO : FORMAT 1.33:1 -4/3
AUDIO : TURC — STEREO
SOUS-TITRES : ANGLAIS (optionNels)

TARKAN VERSUS THE VIKINGS (AKA : Tarkan Viking Kani)
de MEHMET ASLAN
TURQUIE / 1971
GENRE : OH MON DRAKAR !
AVEC : KARTAL TIBET, EVA BENDER, SEHER SENIZ, FATMA BELGEN..
MUSIQUE: N’INSISTEZ PAS !
DUREE : 84 MIN.
VIDEO : FORMAT 1.33:1 - 4/3
AUDIO : TURC — STEREO
SOUS-TITRES : ANGLAIS (OPTIONNELS)

SUPPORT : DVD ZONE ALL NTSC (USA)
EDITEUR: MONDO MACABRO
BONUS : DOCUMENTAIRE : TURKISH POP CINEMA – NOTES DE PRODUCTION - BANDE-ANNONCE DE LA COLLECTION

Après un triptyque déjà voué à la gloire des super(anti)héros masqués, du serial américain et de la bande dessinée de quat’sous - Kilink Istanbul’da (Kilink à Istanbul), Kilink Uçan Adama Karsi (Kilink contre l’homme volant), iliink Soy ve Oldur (Kilink déshabille et tue), tous trois tournés simultanément en 1967 - Yilmez Atadeniz continue de mitrailler son amour de la culture populaire avec ce remake du Mysterious Doctor Satan. Son film, tonitruant, fonce à si vive allure qu’il plante sur les starting-blocks cohérence, continuité et notion de point de vue (voir la scène où le Doktor Sheytan derrière son écran de contrôle jouit des multiples angles de prises de vue filmés par une seule et unique caméra de surveillance). Ce qu’on dénoncerait en d’autres productions comme d’embarrassantes erreurs de script devient ici marque de fabrique, figure de style. Si les numéros du balourd Bitik, acolyte libidineux et fétichiste du cocaïnomane de Baker Street, parasitent sérieusement le métrage, l’épilogue culmine à un tel degré d’idiotie béate que oui, nous devons le confesser, nous avons ri. Devrait être étudié dans les écoles de cinéma.

Quatrième opus d’une geste qui en comporte sept, Tarkan Versus the Vikings leste les fières épaules du Hun Turc d’une double mission : venger son ami, son frère, le chien Kurt, incarnation animale de la noblesse et des valeurs ancestrales («Kurt is raising his son like a good Turk»), et sauver la fille d’ Attila, décédé quelques siècles plus tôt, d’un sort pire que la mort. Sur sa route, Toro, le plus gaulois des Nordiques, Lotus, l’irrésistible empoisonneuse bien (stéréo)typée, une pieuvre géante qui se déballonne et quelques couches accueillantes, car il faut bien. Ed Wood aux Folies Bergères sur un livret de Robert E. Howard. Les grands enfants pervers priseront ce spectacle aussi naïf que furieux où l’on s’occit dans l’allégresse au milieu des fourrures et des pompons. Tarkan Versus the Vikings bénéficie grandement de l’improbable contraste entre son univers factice aux couleurs très soutenues et une violence exubérante qui ne demande qu’à s’afficher dans toute sa splendeur tapageuse et maladroite. Gare, toutefois, à ne pas réduire le film à ses débordements car chaque vision est riche de découvertes. Une fraîcheur primitive sous un ciel d’azur.

En complément de programme, un documentaire maison de 24 minutes produit pour Channel 4 nous malmène joyeusement les orbites avec moult extraits et visuels à la rugosité rien moins qu’alléchante. On chérira notamment les étonnantes images détériorées de Kilink Istanbul’da auxquelles un noir et blanc strié et le jeu outré de l’actrice confèrent un parfum archaïque et vénéneux. Quelques protagonistes de la grande époque livrent leurs impressions entre fierté teinté de distance (l’indéracinable Cüneyt Arkin, synthèse locale de Douglas Fairbanks, John Wayne et Alain Delon), militantisme (Yilmaz Atadeniz), incrédulité persistante de s’être vus proposer les pires incongruités et dépit d’avoir été cantonnés aux sempiternels clichés (le cogneur et la belle dénudée). Enfer de l’exploitation quand tu nous tiens !

D’autres infos encore dans le dossier Fantastik Türk Sinemasi (bref historique et onze films chroniqués) paru dans Trash Times #11 (automne-hiver 2002) qu’il eût été de bon aloi d’acheter en son temps. Il n’est peut-être pas trop tard pour aller miauler sur le site trash-times.com d’autant que celui-ci propose également un entretien avec l’éclectique Pete Tombs, Mr Mondo Macabro.


http://www.RadioApplePie.org
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