Magyd Cherfi

MAGYD CHERFI, "Phénix de la syntaxe"

  Un poète est né ! Qu'on se le dise ! Ici comme ailleurs, on n'en manque pas de poètes, au vrai. Oui mais on n'en a jamais trop. D'autant que celui-ci, le Magyd, il se hisse à la hauteur des plus grand en deux temps trois mouvements.   Deux temps avec la sortie voilà six mois d'un premier album solo, La Cité des Etoiles (Universal*) et un premier recueil de textes, Livret de famille (Actes Sud). Trois mouvements avec une tournée de concerts fameux qui se poursuit au moins jusqu'en décembre.

Le Disque : La Cité des Etoiles

  C'est LE disque, on le sait dès la première écoute du lancinant "Ma place... (et ce qui va avec)". Quelque chose vous prend mine de rien, qui ne vous lâche pas. Chant étrangement atone et dérangeant, mots entêtés comme une longue plainte, mélodie prenante s'entremêlent dans un canevas singulier. Rare. Le courage de chanter comme si de rien n'était " je meurs d'avoir aimé ce pays en secret " force le respect. Et creuse une blessure à vif que certains voudraient ne pas voir : ici impossible de détourner les yeux, de se boucher les oreilles ! "Qu'est-ce que ça change ?" est triste à pleurer, c'est aussi une joyeuse valse musette. De l'oriental " En enfer " et ses somptueux violons berbères, en passant par "Je suis franc"(" par le sol et pas par le sang ") jusqu'à la sublime "Latine est ma racine", on reconnaît le motif : une sensibilité écorchée. On s'étonne même que cette sensibilité d'enfance ait survécu à la cité-ghetto où le filles sont inaccessibles ("Les Grandes"), les père autoritaires et brutaux, où les mères aussi ont la main leste et les potes la dent dure.

"La liberté n'est pas cette inconnue qui fait du gringue juste au coin de la rue"

  Parolier -et chanteur- de ZEBDA quinze ans durant, Magyd CHERFI jouait du verbe avec talent depuis longtemps ; et si les reprises épatantes du " Pourquoi ont-ils tué Jaurés ? " de Brel ou du " 20 ans " de Léo Ferré ouvraient des voies à côté du combat des Motivé-e-s et des tchatches festives, ce premier disque en vers (et contre tout ?) révèle un style unique et précieux. Douloureuses ou comiques, les paroles sont choisies, justes, précises. Quelquefois chagrines, quelques fois ironiques, les consonnes et les voyelles de l' "alphabet syndical" tissent des mots. Et quand les phrases sont tout cela à la fois, c'est comme dirait François du grand " Magic Cherfi " !

"allongé sur le quai, je vois partir des hommes et revenir des perroquets"

  C'est LE disque et il se danse aussi en roots-reggaes, brulôts slavophiles, ritournelles brassenssiennes, et javalses lentes grâce à des musiciens virtuoses (sans oublier d'exquis chœurs féminins !).   C'est LE disque, s'il s'agit de textes en français, pour celles et ceux qui depuis Veuillez rendre l'âme (à qui elle appartient) de Noir Désir n'avaient connu la plénitude absolue qu'avec le premier album de Mano Solo, et peut-être Tostaky.   C'est LE disque qui donnera aux filles envie de consoler Magyd (mais ça va mieux, écoutez l'interview, ça va bien) et aux garçons, on le souhaite, l'audace d'ouvrir un peu plus leur cœur.

"J'ai gardé une interrogation dans ma tête, la tradition c'est peut-être ça la défaite"

  Post scriptum à l'attention du Monde Diplomatique : Il ne s'agit pas de prendre les " gens ternes pour des messies " (hi hi hi !) alors laissons de côté ce Tarik RAMADAN qui prétend par la religion rendre aux enfants d'immigrés leur place, et choisissons la rage sincère d'un amoureux de l'Esprit des Lumières!!! La Laïcité est Grande, Magyd CHERFI est son prophète.

*nul n'est parfait en son pays...


Le Livre : Livret de Famille

  Ce tout petit livre est une pépite, vous l'aviez deviné. Hola ! c'est un peu court une pépite, c'est une veine, un filon, un gisement, une mine...
  Plus affûté, plus dense, plus concis, le style qui nous surprend sans cesse au gré des paroles de La Cité des Etoiles, s'affirme ici en 13 textes courts qui sont autant de pierres en plus à l'édifice de la littérature française (carrément !).
  C'est toujours ce mélange original de verve toulousaine, verlan des quartiers, subjonctif hautement maîtrisé, jeux de mots z'et sonorités chantantes, c'est toujours rêves, frustration et colères, c'est le conte et c'est le pamphlet ; le vin rouge croise le Coran, Douste et les "têtes de dindon", et des filles, des filles comme pour célébrer par avance l'anniversaire de la mort de Truffaut ; Zidane s'y fait tailler un short si beau qu'il pourrait bien réintégrer l'équipe de France, ou choisir enfin d'assumer d'où il vient ; un short aussi -mais un short de bain- pour les ayatollahs et autres mollahs ; et madame Cherfi nous devient familière (on l'a croisée souvent au fond, tête baissée...) et on apprend le nom des oiseaux moches qui vivent en banlieue.


  Ce tout petit livre se glisse dans la poche et Livret de famille sera votre Passeport à la rencontre du monde.


Une Interview :

  Avant son concert à Notre-Dame-de-Gravenchon, nous avons rencontré Magyd CHERFI pour près d'une heure d'interview. Un homme qui sur la pochette de son disque, la couverture de son livre et toutes ses photos de presse pose une clop et un briquet à la main ne pouvait pas être mauvais. Et vu l'empathie immédiate que provoque ses textes, on s'attendait bien à rencontrer un type chaleureux. Ce fût le cas, of course. Et bien sûr il est passionnant. Il est question de Zebda, de la (re) naissance d'un mec qui se fait un prénom et un nom et repart à zéro, de mélancolie et de nostalgie, enfin vous n'avez qu'à écouter ! Une interview réalisée par Juliette et François, le vendredi 15 octobre 2004 à A.R.C.A.D.E. (écouter l'interview)


Un concert :

  En première partie, un excellent concert des CHANTYMAN EXPRESS, dont le disque sort en novembre. Au répertoire, la plupart des morceaux fétiches et la découverte d'une nouvelle chanson magnifique. (pour en savoir plus écouter Vincent LE BODO au micro de R.A.P. en avril 2004)
  Après une bière (...pas de vin rouge au bar...), on s'apprête à découvrir Magyd CHERFI on stage. On a quitté un " poète maudit " qui nous laisse entendre que la lutte, bon d'accord, mais y'a aussi la pêche…et on retrouve un clown !!! C'est qu'avant les morceaux, après les morceaux, entre les morceaux, il cause, il vanne, il interpelle. Il en fait beaucoup (trop ?), et le public aime ça.
  Sur scène les 4 musiciens sont excellents et soudés : un accordéoniste -qui joue aussi du clavier-, un batteur métronomique, très physique, qui joue aussi de la mandole, un guitariste, enfin à la basse -chœurs et mandole- Joël de Zebda ! Les cinq gars sont généreux, le public ne veut pas lâcher l'affaire (un 2e rappel très impressionnant)et le concert dure près de deux heures !!!
  On n'a pas enregistré le concert, évidemment, pour vous faire une idée, faudra y aller (toutes les dates sont sur le site)


Un site :

Sur magydcherfi.com Vous trouverez les paroles de La Cité des Etoiles, la liste des concerts, des photos, des vidéos, la présentation du livre etc...

Pour en savoir plus allez donc faire un tour aussi sur le site de Zebda : zebda.fr