18h au bar de lAGORA. Une partie de léquipe
de Radio Apple Pie est sur le pied de guerre. Présents :
François, Léti, Nathalie (interprète de choc) et
moi-même.
Nous avons rendez-vous avec Inge, le bassiste
d(International) Noise Conspiracy. Il nous rejoint, un gobelet de
thé à la main. Un petit mec en jeans et t.shirt, avec une grande
frange et un sourire accueillant. Il a la crève. On sabstient donc
de fumer (bonne idée anyway, aucun des membres du groupe ne fume...).
Nous filons tous dans un coin plus tranquille, et tout en nous
installant nous lui demandons la moyenne dâge du groupe :
Inge : Il faut que je réfléchisse, Lars et
Louis ont 23 ans, Sarah 27 ans, Denis 29 ans et moi-même 24 ans.
MARXISTES, FEMINISTES ET VEGETARIENS
RAP : Nous vous avons découvert en lisant vos
interviews dans 2 magazines français (DIG IT ! et ABUS DANGEREUX,
en loccurrence) et nous sommes très intéressés par
vos implications politiques. Pouvez vous nous confirmer que vous êtes
marxistes, féministes et végétariens ?
Inge : Oui (rires), nous le sommes, et plus encore
parce que , tu sais, nous tirons notre inspiration de toutes sortes...euh...nous
sommes un groupe de rock, nous pouvons nous permettre presque tout parce que
nous navons aucune responsabilité.
Donc bien sûr le marxiste reste toujours important dans lanalyse
des structures économiques ... et oui, nous sommes inspirés par
les mouvements féministes , et par les mouvements pour les droits
des animaux, et en ce moment le mouvement anti globalisation ... revient vers,
comment vous appelez ça ?, quelque chose comme...les mouvements
sociaux à Paris en 1968, situationnistes ou encore les Black Panthers,
tout ce que lon trouvait intéressant, nous piochons dedans...
Nathalie : ...même les Black Panthers ?
Oui, jaurais pu dire " White
Panthers " pour nous ; mais tu vois ce que je veux dire, (au
sujet des Black Panthers, NDLR) cest cette façon de
shabiller en tenue militaire, et être vraiment
organisé ; jai lu beaucoup de choses à leur sujet et
jai trouvé cela très intéressant.
Nous sommes à fond dans toutes les cultures de résistance, pour
résister au gouvernement, pour résister aux structures
économiques de tous les jours tout comme faire la révolution tous
les jours comme le livre " The revolution of every day
life ".
RAP : (François) : Puisque tu parles des
Panthers, connais-tu Wayne Kramer ?
Inge : Oui, je lai rencontré.
RAP : (François) Tu es toujours en contact avec
lui ?Est-ce quil est toujours actif dans le militantisme ?
Inge : Je ne sais pas... je sais quil
nest pas vraiment en forme et beaucoup de gens de son groupe sont morts,
il est venu à un de nos concerts à Los Angeles,
cétait trèssympa mais bon on ne garde pas vraiment le
contact.
RAP : (François): Au sujet des White
Panthers, est-ce quils luttent toujours ?
Inge : Bien sûr, MC5 est une de nos sources
dinspiration, parce que cest un des 1ers groupes de rock
politique.
En ce qui concerne vos précédentes questions, comme je vous
lai dit, je peux confirmer toutes ces choses et même beaucoup plus.
RAP :Chaque membre du groupe est
végétarien ?
Inge : Oui, en fait il y a 2 végétariens et 3
végétaliens.
RAP : Ce nest pas trop difficile en
tournée ?
Inge : En France, oui (rire général, en fait
Nathalie, François et moi sommes également
végétariens, et on sait ce quil en retourne dans notre bon
vieux pays)
RAP : (Nathalie) : Est ce que cest une
façon dêtre contre le gouvernement ou contre
lélevage en batterie des poulets, ou lélevage des
porcs,
Juliette : ou alors parce que les animaux sont vos
amis...et que vous ne mangez pas vos amis ? (rires)
Inge : Je crois que ce nest pas vraiment un
problème que le groupe met en avant, mais cest une question
importante pour chacun de nous dans le groupe.
Jétais déjà gauchiste bien avant dêtre
végétarien et maintenant je suis végétalien, depuis
quelques années, et jai vu le lien. Cest comme ces gens qui
exploite les autres pour ce faire du fric afin de devenir riche.
Tout ça pour dire que lon peut traiter les gens comme on veut pour
ce faire du fric sur leur dos comme par exemple les fringues.
RAP : Comme les mômes qui travaillent en Asie ou en
Inde pour Nike ?
Inge : Ouais, les mômes qui cousent les pompes pour
Nike pour nous.
RAP : Idem pour les animaux ?
Inge :Oui, ils sont traités comme des objets, pour
faire du profit, et pour moi quelque part cest mal, jai ma
philosophie là-dessus, pour moi cest plutôt une question
déthique et déconomie et cest une cause
importante pour moi. Je ne me pas vois manger des produits danimaux alors
...quil y a tellement dautres bonnes choses à manger quand
on ne mange pas de viande.
(Tout le monde approuve, et se marre)
RAP : (Nathalie) : Cest assez inhabituel de la
part dun groupe de rock davoir de telles idées.
Inge : Nous, on vient tous de la scène punk rock et
hard core, au sein de laquelle être végétarien est courant
Nathalie : On pense plutôt à des groupes qui
jettent des poulets sur scène ?
Inge : Oui, comme Alice Cooper...toute une
mythologie...mais nous venons de la scène hard core et...
(En fait, Alice Cooper a reçu un poulet vivant sur
scène, jeté par quelquun du public...et daprès
ce quil dit il nest pour rien dans la mort de cette pauvre
bête...même sil la reexpédié, aïe,
à lenvoyeur ! NDLR)
RAP : (Juliette) :Est-ce que cest surtout en
Suède ou cest international ?
Inge : Ouiii...Internationalement ..la Suède, oui la
Suède mais pas seulement...ça na rien
détrange.
RAP : Ca a commencé avec les " Dead
Kennedys " en Californie au début des années 80.
Inge : Ouais mais ils nétaient pas
végétariens, un groupe très politique, cest mon
groupe préféré .
LE ROCK SUEDOIS
RAP : Est-ce que vous avez des amis musiciens qui sont
aussi impliqués que vous ?
Inge : Oui plein
RAP : Dans la scène rock ?
Inge : Oui, oui
RAP (Nath) : Plus en Suède quailleurs, parce
que par exemple aux Etats Unis les groupes ne semblent pas aussi
impliqués... ?
Inge : Tu sais quand tu parles de la scène rock, ...
je ne comprends pas trop de QUELLE SCENE, parce quil y a plein de groupes
politiques, ... et aussi des groupes qui ne parlent pas de politique mais dont
les musiciens sont impliqués politiquement.
Et on a beaucoup damis qui luttent, simpliquent dans toutes
sortes causes. Et dautres dont ce nest pas le cas mais qui sont
juste des gens très cools qui jouent dans de très bons groupes.
RAP (Juliette) : En Suède, des groupes comme
HELLACOPTERS ou GLUECIFER sont-ils intéressés par ce genre de
choses ?
Inge : GLUECIFER sont norvégiens.(aïe, oui
cest vrai, autant pour moi)
ils veulent faire du rock, écrire des morceaux. Les HELLACOPTERS sont
excellents, en plus ils sont vraiment sympas , je ne peux en dire que du bien.
Même sils ne sont pas branchés, politique, ça
na pas dimportance.
Sil fallait que je sois daccord avec toutes les paroles des groupes
dont jai les disques, ce ne serait plus marrant.
Je veux écouter HELLACOPTERS, Dr DRE ( ?) et toutes sortes de
musique même si je ne suis pas forcément daccord avec les
paroles.
R.A.P. : Nathalie : les jeunes suédois
sinvestissent-ils dans la politique ?
Inge : Pas vraiment, je pense que cest pareil
partout.
R.A.P. : Ou juste vos fans peut-être ?
Inge : Jespère, jespère vraiment
quon peut être pour nos fans (ou quelque soit le nom que tu leur
donnes) ce quétaient les CLASH et les DEAD KENNEDYS pour moi, du
moins quand javais 14 ou 15 ans, quand jai commencé à
mintéresser à tout ça. Leurs musiques et leurs
paroles mont en quelque sorte obligé à lire et à
penser. Les CLASH avaient fait un morceau sur la guerre civile en Espagne,
jai lu les paroles , jai trouvé ça génial.
Cest un peu ce quon veut être aussi.
R.A.P. : (Juliette) : Donc, cest le rock n roll
qui ta fait découvrir la politique ?
Inge : Ouais, complètement, mais cétait
à une époque où le gouvernement suédois
était à droite depuis 4 ans, et ou la Suède allait entrer
dans lEurope ... et cétait une question qui
préoccupait beaucoup ... et le punk rock me tendait les bras. Alors je
men suis servi pour faire passer mes messages.
Et tu vois je suis toujours là. (rires)
R.A.P. : (Nathalie) : Est-ce que vous avez un retour
de la part de vos fans après les concerts, quand ils viennent vous voir.
Est-ce quils vous posent des questions, vous demandent pourquoi...
Inge : Oui tout le temps en fait, cest bon signe.
R.A.P. : Les paroles y sont pour beaucoup ?
Inge : Jespère, cest un peu tôt
pour juger, mais on verra bien à la longue, on essaie de mettre la
musique dans un contexte politique, cest difficile la plupart du temps.
R.A.P. : (Nathalie) : Il y a sans doute pas mal de
gens qui ne comprennent pas vos chansons, parce que vous chantez en anglais
Juliette : ...-surtout en France
Nath : ...cest assez frustrant...
Inge : La France est le pays ou les gens ne parlent anglais
...beaucoup de jeunes partout en Europe parlent peu anglais, mais les jeunes
qui sont intéressés par le rock savent de quoi il
sagit.
Mais jai le sentiment que les gens qui viennent à nos concerts ou
écoutent nos albums peuvent difficilement échapper au fait
quon est un groupe de rock politique. Dune certaine façon,
on entend des mots, des phrases et il y a lambiance, le public comprend
vite quon ne fait pas de chansons sur les filles, damour ou des
chansons sur la drogue ou sur les surfers, les bagnoles, donc je ne vois pas
pourquoi ça poserait un problème.
Et ce serait beaucoup plus limité si on chantait en suédois.
(acquiescement général dans lhilarité)
R.A.P. : (Juliette) : Tu as dit dans une interview que
même si les gens ne comprenaient pas les paroles tu es espérais
que le marxisme sinfiltrerait entre les notes ? (rires)
Inge : Oui.
R.A.P. La marxisme est donc vraiment la chose la plus
important pour toi?
Inge : Oui
Je ne veux pas être...ah, je ne trouve pas le mot...
Nathalie souffle : ...radical ?
Inge : non....je VEUX être radical, pas dogmatique
parce quil ny a pas didéologie parfaite.
R.A.P. (Juliette) :Tu las dit au début de
linterview, il me semble, que cétait une bonne analyse
économique ?
Inge : Oui, on ne chante pas des paroles qui disent
" le marxisme cest génial " (rires), mais on
écrit des chansons dans cette perspective.
R.A.P. : Est-ce que tu écris les paroles ou est-ce
que tout le groupe participe ?
Inge : Cest Denis, le chanteur, mais on discute
beaucoup à propos de ce quon veut chanter et dire, il y a des tas
de choses autour de nous qui nous inspirent sans arrêt donc on se sent
tous impliqués dans le processus, mais cest lui qui met tout
ça en parole, et il le fait bien alors on le laisse faire
UN JEU DE SCENE (D)ETONNANT
R.A.P. : Hormis la politique et la musique, votre
originalité vient aussi de votre jeu de scène , qui est
plutôt incroyable.
Inge : Ah, vraiment ? ?
Juliette : Oui, on a été impressionnés
à Evreux, au festival Le Rock Dans Tous Ses Etats.
(Inge ne se souvient pas...on lui rappelle laffiche avec Muse et John
Spencer, il se souvient de John Spencer apparemment, NDLR)
Inge : Oh mon dieu ! ! ! Cétait
terrible, un de nos pires concerts de cet été !
R.A.P. : Pourtant beaucoup de havrais ont
adoré ! !
Inge : Ah bon merci, nous on trouvait quon faisait
nimporte quoi sur scène...Jespère que nous pourrons
être meilleur ce soir !
R.A.P. : Mais est-ce que cette façon de bouger sur
scène est délibérée ? Vous y travaillez, ou
vous vous laissez tout simplement aller ?
Inge : Oui, on se laisse aller, on ne bosse pas vraiment
dessus, mais bon on voit des gens qui font ça et on le refait au concert
suivant. On veut être très physiques, et que les gens aiment ce
quils voient.
R.A.P. : Est-ce que vous portez toujours tous le même
" uniforme " à vos concerts ?
François : Portez vous toujours ces T.shirts
militaires ?
Inge : Oui, lété dernier on avait tous
un T.shirt militaire. Maintenant, on porte autre chose.
R.A.P. : Vous voulez donner un vrai spectacle ?
Inge : Oui, les gens paient chers et ils sont là
pour quon les divertissent, ils sont là pour samuser. On
veut être une source dinspiration, et ça jy tiens
beaucoup. Il y a tellement de groupes qui restent statiques sur scène,
ça mennuie. On fait une bonne centaine de concert par an au moins,
même plus, on en est à 100 rien que pour cette
année..peut-être plus...
R.A.P. :En Europe ?
Inge : Oui, en juin on a fait 20 concerts en Suède,
en Allemagne, Italie, ensuite on a fait une pause de 10 jours, puis 25 concerts
et maintenant on va senvoler vers la Californie pour faire un festival et
une émission de télé. Une semaine. Ensuite, direction
Londres et la Grèce. Probablement 2 semaines en Australie. Et puis, on a
pas mal de festivals pour lété, puis 6 semaines aux USA en
septembre.
R.A.P. : (François) Comment ça se passe pour
vous en Angleterre ? Est-ce quils perçoivent votre
message ?
Inge : On a joué que 2 fois là-bas, mais ils
font partie de notre tournée, alors on va y faire nos vrais 1ers
concerts. LItalie, lAllemagne et la France nous connaissent, il ne
manquait plus que lAngleterre. On espère que ça leur
plaira.
R.A.P. : Comment êtes-vous perçu par le
gouvernement suédois, en tant que groupe politiquement
engagé ?Ils vous aiment ou ils vous détestent ?
Inge : En Suède, ils sont tellement habitués
aux groupes ce rock politiques, il en existe depuis les années 70, ce
nest pas un phénomène récent même si personne
ne connaît très bien ces groupes, dailleurs on nest
pas très connus.
On peut très bien aller faire une tourner de 30 concerts aux Etats Unis,
jouer devant 1000 personnes tous les soirs, et personne nen fera un
article en Suède. (Il rit) Euh...Quelle était la
question ? ? ?
R.A.P. : (François) :Vous navez pas la
C.I.A. sur le dos, pourtant ils doivent penser que vous êtes
dangereux ?
Inge : Jadorerai que ce soit le cas, mais je ne sais
pas....Denis et moi, on a été tous les 2 mis sous écoutes
téléphoniques quand on était plus jeunes, un truc dingue.
R.A.P. : Le gouvernement suédois était plus
strict à lépoque ? ou est-ce par ce que tu as fait
" trop de choses " ?
Inge : Je ne sais pas, ils ont des pratiques plutôt
étranges depuis que les socio-démocrates gouvernent le pays, et
ce depuis presque cent ans. Ils espionnent les individus radicaux, et à
lépoque jétais impliqué, je faisais partie
dorganisations militantes mais cétait il y a longtemps. La
police ma convoqué quelques fois, pour me poser des questions, je
nai pas été suspecté, euh...jétais
suspecté mais pas accusé.
UN DOSSIER CHEZ LES FLICS
Nathalie : Cest plutôt sévère en
Suède, par rapport à la France
Juliette : Quoique les Berurier Noir qui étaient un
groupe de rock radical dans les années 80 ont eu pas mal de
problèmes avec la police, les renseignements généraux, et
ont eux aussi été espionnés. Au moment où le groupe
sest séparé, ils devenaient tous paranoïaques. (les
Bérus, ça ne dit rien du tout à Inge...)
Inge : Je pourrais le devenir aussi. Il y a quelques
années les flics mont convoqué au sujet dune manif
à laquelle javais participé. Javais un casier
judiciaire vierge, mais quand je suis arrivé là-bas, ils avaient
un dossier énorme sur moi, avec des tonnes de photos quils ont
rangées vite fait bien fait, donc je sais quils en avaient
après moi. Mais, quelque part, je my attendais. Ca fait 10 ans que
je suis impliqué dans les mouvements radicaux.
Nathalie. : Est-ce ce que tu cherchais ?
Inge : Non, mais comme je le disais ça fait 10 ans
que je suis dans la politique radicale ... Alors si je navais pas
été repéré, ce serait étonnant.
R.A.P. : (Nathalie) : Est-ce quil y a un
mouvement politique dans lequel tu tinvestisses plus que dans un
autre ?
Inge : Non, pas vraiment, du fait quon tourne 7 ou 8
mois par an, je ne peux pas minvestir dans quoique ce soit, mais je peux
participer à quelques manifestations.
R.A.P. : Ce que je voulais dire cétait :
toi, personnellement, est-ce que tu te sens plus proche dun parti ?
Inge : Je ne sais pas. Je dirais quen ce moment je
mintéresse plutôt au mouvement économique de
lanti-mondialisation, aux mouvements anti-libéralisme.
Je pense que cest la chose la plus vitale qui se passe en ce moment, dans
laquelle il faut sinvestir. Et je crois que tout le groupe veut en faire
partie.
R.A.P. : (Juliette) : Jaimerais te poser une
question sur le buziness : tu parles de grandes tournées que vous
avez faites en Europe et aux Etats-Unis...comment peut-on concilier le
radicalisme et le show-buziness ?
Inge : Tu sais, on ne se fait pas beaucoup
dargent ..
R.A.P. : (François) : Et est-ce que vous seriez
prêts à signer un contrat avec une plus grosse boîte de
production pour ...
Nath : ...gagner plus dargent ?...
François : ...non... mieux faire véhiculer
votre message ?
MUMIA ABOU JAMAL ET LES ZAPPATISTES
Inge : Oui, pour toucher plus de gens. Cest possible.
On serait tous partants si on nous proposait un bon contrat. Je veux dire,
cest grâce à des groupes comme RAGE AGAINST THE MACHINE que
la plupart de jeunes de notre âge connaisse quon a connu Mumi Abou
Jamal et les zappatistes. Ils ont fait un sacré boulot pour devenir un
bon groupe de rock politique, et jai beaucoup de respect pour eux.
R.A.P. : (Juliette) : Donc vous le feriez si ça
pouvait aider à faire passer votre message ?
Inge : Oui, on en a déjà discuté entre
nous. Pour linstant, on bosse avec un label indépendant, et je
tassure quon ne se fait pas beaucoup dargent.
Avant, en Suède, jétais infirmier et ça ne paye pas
énormément, et mon niveau de vie na pas augmenté
même si culturellement, socialement, je fais ce que je veux mais
économiquement parlant, jen suis toujours au même niveau.
Cest clair quon ne gagne pas beaucoup. Je peux vous lASSURER.
R.A.P. : Est-ce que vous faites attention au prix des
disques, des entrées, à ce quil reste abordable ? Il y
a des gens dans le public qui nont pas trop de moyens ?
Inge : En ce qui concerne les ventes de disques (dans les
magasins) on na aucun contrôle, idem pour les entrées aux
concerts. Ce sont les gens qui gèrent ça et ça
dépend quel jour on est et combien de bières ils ont
lintention de vendre
R.A.P. : Donc, vous navez aucun contrôle ?
Inge : Du moins pas là-dessus, mais on essaie de
vendre les T.shirts pas trop chers. Par exemple on essaie de vendre nos CDs et
T.shirts 10/12 euros. Il y a des trucs quon contrôle, dautres
non.
Cest presque paradoxal, cest difficile dêtre un groupe
rock politique, on parle de tous ces problèmes, mais en fin de compte,
je dois payer mon loyer, il y a le coût de la vie, comment je pourrais
expliquer ça....
Quand on a formé I.N.C., on pensait quon allait garder nos
boulots, quon ferait des concerts (il renifle) ... le week-end, sortir un
25 cm, partir en tournée 1 fois par an, mais les choses ont
changé très rapidement pour nous ! Donc, si maintenant on
prend ça très au sérieux, il faut quon le dise haut
et fort, il faut quon soit partout, quon fasse tout le temps des
tournées, quon joue dans les plus gros festivals, passer sur MTV,
jouer au Squat en Allemagne, en gros être partout.
1000 PERSONNES CHAQUE SOIR
R.A.P. : (Nathalie) : Vous êtes passés
sur MTV ?
Inge : Oui, en Scandinavie beaucoup, plutôt le soir.
Et puis lItalie passe souvent notre dernier vidéo-clip,
lAllemagne nous a beaucoup aidés. Dailleurs, on ny a
jamais joué devant moins de 1000 personnes, tous les soirs.. Et ce
grâce à notre vidéo, qui est très politique. On
sest dit : voyons jusquoù on peut aller, et maintenant
on sait que ce quon fait se vend.
(depuis un moment, on entend derrière nous, en sourdine,
les TOKYO OVERTONES qui répètent...un peu plus tard ils seront
dans les 1e rang du concert à pogoter comme des oufs)
R.A.P. : Ca commence à bien marcher ?
Inge : Dans certain endroits oui, dans dautres non
(je ne sais pas comment ils appellent ça en
Suède...mais ici, cest une réponse de normand,)
R.A.P. (Nathalie) : Donc, éventuellement le
groupe rapportera de largent :
Inge : Oui...(il est dubitatif, peut-être même
agacé)...je ne crois pas...on a une boîte de production, une
agence de booking, qui sont tous nos employeurs et on leur vend notre travail.
Cest comme avant, quand jétais infirmier, je vendais mon
travail. Avant, cétait 5 jours comme infirmier et 2 avec INC,
à présent cest 7 jours sur 7 avec INC. La différence
importante, pour moi, est que lon essaie de construire un
phénomène autour du groupe, de toucher de plus en plus de gens,
donc du coup je me vends à la boîte de disques, cest juste
un employeur différent.
Juliette : Et ça ne te fait pas peur ? tu
penses que le groupe peut avancer ... tous ensemble, petit à petit, un
pas après lautre ... ? ...
Inge : Oui, oui...petit à petit...très
lentement...Nous jouons dans des endroits très différents, de
très gros, des petits encore...un pas après lautre...
(Encore tout un moment de la conversation autour du thème
de la réussite et de largent. Nathalie insiste sur ce sujet. Ce
qui semble agacer un peu Inge, bien quil admette volontiers que si INC
devient aussi gros que RAGE AGAINST THE MACHINE ou PUBLIC ENNEMY ça lui
fera plaisir...mais il semble en douter...écoutez-vous mêmes)
Inge : RAGE AGAINST THE MACHINE a pu par exemple se servir
de MTV pour montrer un documentaire sur les mouvements de résistance aux
Chiapas. Jaimerais faire des choses comme ça...
R.A.P. : (Nathalie) : Montrer des gamins qui bossent
pour Nike ?
Inge : Oui, exactement, ... me servir du privilège
dêtre dans un groupe de rock de manière intelligente,
cest ce que je veux faire.
Jaimerais voir comment on pourrait expérimenter tout ça.
Ce serait marrant davoir toute cette influence, et les moyens financiers
pour le faire. Oui, on a envie dêtre des empêcheurs de
tourner en rond, (" troublemakers ").
Tant quon peut faire des tournées, jouer devant 200 personnes, ok,
cest génial ... monter dans le bus, se rendre à la
destination suivante ... et rester à un petit niveau,
underground...personne ne va sen soucier, mais si nous vendons des
millions de disques et que nous parlons à MTV de grèves, du fait
que les syndicats sont utiles, que voler dans les magasins cest bien,
etc..., là on foutra vraiment la merde ... et cest ce que je veux
(cette évocation semble réjouir Inge, il jubile
réellement)
Juliette : Et de toutes façons, il ya plein de
façons de bien dépenser largent...
Nath : ...pour de bonnes cause
Inge : Oui, oui ... INC ne changera pas le monde, mais je
ne veux pas être oublié, ou quon se souvienne de moi comme
quelquun qui nest pas allé jusquau bout
R.A.P. : Est-ce que vous venez tous de la même ville
dans le groupe, des mêmes origines familiales, politiques ?
Inge : Oui, les mêmes origines politiques pour la
plupart dentre nous. On sest tous plus ou moins rencontrés
par le biais de la scène hard-core. Un a grandi à
Göttenbörg, 3 à Ouméo ( ?), une ville qui est
à 2 heures au sud du cercle arctique, au nord de la Suède (Sarah,
Denis et moi vivons là).
Ludwig notre batteur vit au Sud sur la côte Ouest.
Lras, le guitariste vit à Stockholm, la capitale sur la côte Est.
R.A.P. : Vous vivez très loin les uns des
autres ?
Inge : Pour aller de chez Lars vers la ou nous habitons
(les 3 autres), cela prend 9 heures.
R.A.P. : Comment faîtes-vous pour
répéter ?
Inge : On ne répète jamais, on na pas
répété depuis cet été. Mais sinon,
cest en avion. Une semaine daffilée, huit heures par jour.
R.AP. : Et il faut aussi trouver du temps pour composer,
écrire vos morceaux...
Inge : Oui, on fait comme ça, cest pourquoi
ils se déplacent en avion
IL est temps de songer à quitter Inge...Dernières
questions :
R.A.P. : (Nath) : Est-ce que tu as un morceau
préféré parmi ceux d(International) Noise
Conspiracy ?
Inge : Non, pas vraiment. Je ne sais pas, jaime assez
, oui, jaime beaucoup le morceau qui a donné son titre à
lalbum (A new Morning changing weather) , il a une ambiance
particulière...
R.A.P. : (François) : En fait, je voudrais
savoir sils se sont rencontrés dabord parce quils
avaient des idées communes ou dabord pour faire de la musique
ensemble ?
Inge : Au début, on na même pas
parlé de politique, parce quon SAVAIT tous que le groupe serait
politique
R.A.P. : Vous vous connaissiez déjà un peu
avant ?
Inge : Oui, je les connaissais, à part le batteur.
On était amis, et cétait une évidence parce
quon était branchés par les groupes rock, et on avait tous
déjà joué dans des groupes de rock politiques, la question
ne sest même pas posée.
Mais on voulait que ce soit différent (musicalement) des groupes dans
lesquels on jouait avant.
PUBLIC ENNEMY
Pour moi, le groupe qui ma le plus influencé
à part les DEAD KENNEDYS, cest PUBLIC ENNEMY. Quand je les ai vu
jouer pour la 1e fois, je me suis dit : oui, cest
ça, cest exactement comme ça quun groupe de rock
politique doit être. Le groupe le plus intellectuel, le plus en
colère, et le plus organisé, avec leurs danseurs et leurs
flingues. Cétait fort, avec le poing en lair . oui,
ça cest un groupe politique.
(cest dailleurs ainsi que INC quitte la scène
à la fin des concerts, tous le poing levé NDLR)
R.A.P. (Nathalie) : Est-ce quil y a une de leurs
chansons que tu préfères ?
Inge : Oui, ils en ont fait tellement, mais oui, bien
sûr, " like steel in... ?... " (on ne
connaît pas les chansons de PUBLIC ENNEMY, désolés, si vous
connaissez le titre vous gagnez...notre reconnaissance)
R.A.P. : (Juliette) Est-ce que tu a écouté
JAMES WHITE ?
Inge : Non, je ne connais pas
Juliette : Un New Yorkais qui jouait dans les années
80...et le sax sur votre album ma fait penser à James White, ce
genre de saxo déjanté entre rock et free jazz...
Inge : non, ça ne me dit rien...
R.A.P. : Aimerais-tu ajouter quelque chose ?
Inge : Ah, je suis très mauvais pour faire une
conclusion (rires)
R.A.P. : Quelquun va devoir le faire.. Donc,pour
finir, est-ce que tu es content de la tournure que prennent les choses, est-ce
que vous avez de plus en plus de fans ?
Inge : Fan est un mot que je trouve tellement
étrange..
R.A.P. : Pas des " fanatiques ", mais
des gens qui aiment venir vous voir...
Inge : Oui, ça augmente de façon
régulière. On devient plus important, mais tout doucement. On a
encore des difficultés et il faut encore quon fasse nos preuves
pour être un bon groupe de scène, et écrire de bons
morceaux, cest pas aussi facile que ça en a lair...mais je
suis très heureux de ce que je fais.
Je suis très optimiste sur le monde,
François (interloqué) : ..about the
world ?
Inge : ... je suis très optimiste...
Nath : heureux garçon ! ...
Inge : ... même si tout est complètement
bousillé avec Bush là-bas, le second, Chirac ici et le Front
National, et Heider, Berlusconi, Sharon qui est un grand meurtrier...cest
tellement évident quil y a là-bas un apartheid, et
ça casse le moral.
Mais quand on voit le nombre de gens qui se sont réveillés depuis
les 2 ou 3 dernières années
Juliette : ...depuis Seattle
Inge : ... ça les rapproche, ils deviennent
amis ; il y a une grand Histoire en matière de résistance,
les communards, situationnistes
R.A.P. : ...et aussi la répression de plus en plus
dure depuis Gênes...
Inge : Oui, elle lest ... mais à chaque fois
que quelque chose ne va pas ici (en France), on retrouve des légumes sur
lautoroute, ça jadore, vous ne vous laissez pas faire. (tout
le monde est mort de rire).
Cest tellement une source dinspiration. Et je me dis quil y a
tellement de gens qui penses " juste ". Et oui, les choses
peuvent être vraiment négatives, même si lEurope est
en construction.
On va la foutre en lair de lintérieur, alors là je
dis oui, allons-y. Et je suis très optimiste, autrement ça ne
servirait à rien de faire cet interview ou de jouer dans (International)
Noise Conspiracy, je me concentrerais sur ma carrière, mais ça ne
mintéresse pas . Je veux partir de quelque chose qui a de
limportance, quelque chose de grand, de vital, qui fait la
différence.
Ce qui prouve quInge est finalement très
doué pour les conclusions
R.A.P. : Nous te souhaitons de rester optimiste... et de ne
pas changer !
Inge nous remercie, on se souhaite bonne chance
Good luck, keep on fighting et toutes cette sorte de
choses !
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