| RAP invite... Agnès Renault |
Emission enregistree en public à l Apple Pie, le 12 juin 2002 |
En 1792, la petite capitale provinciale comptait 20.761 habitants
(Olga Portuondo dans Santiago de Cuba p95). Dans les dernières
années du siècle et surtout dans les premières du XIXe,
Santiago se peupla de Français. Ils venaient de Saint-Domingue. La
colonie française fut déchirée dès le début
de la Révolution par de multiples conflits : Guerres entre Blancs, entre
Blancs et gens de couleur libres, soulèvement des esclaves. Au plus fort
des temps de crises, les habitants se réfugiaient chez leurs voisins,
d'abord en Jamaïque jusqu'en 1798 ou encore aux Etats-Unis et en
Louisiane. Progressivement les flux s'intensifièrent en direction de
Santiago. En janvier 1804, la ville accueillait 18.000 Français.
Traumatisés par les épreuves récentes, ayant dû abandonner l'essentiel de leur fortune sur place, les colons ne se résignèrent pas à leur sort. Forts des quelques biens sauvés et de leur sens des affaires, ils adoptèrent Santiago comme leur nouvel espace colonial. En quelques années, nombre d'entre eux réussirent à se reconstruire une fortune dans l'exploitation du café ou encore dans l'enseignement, l'artisanat et autres activités. Dans l'exil, les liens de la communauté se renforcèrent, les ennemis d'hier se retrouvèrent finalement autour du sentiment d'être français. L'expression de cette identité était avant tout culturelle. C'était au Tivoli, le café-concert que les réfugiés avaient édifié de leurs propres mains qu'ils venaient s'étourdir dans la danse afin d'oublier leur misère. Charmés par le style français, les habitants de Santiago adoptèrent rapidement la mode et les nouveautés musicales introduites par cette nouvelle population. L'insertion des réfugiés à la société d'accueil se fit rapidement grâce à la culture qui devint autant un pôle de rassemblement que d'intégration et aussi par leur dynamisme économique. En 1809, il fallut pourtant reprendre la route de l'exil à cause de la guerre franco-espagnole. En quelques mois, la ville se vida de 8870 personnes qui s'embarquèrent surtout vers la Louisiane. Mais cette première vague migratoire est fondamentale pour l'histoire régionale de l'orient cubain. Dès la fin de la guerre, de nouveaux flux apparaissent partant cette fois directement de France. Aujourd'hui, les descendants de familles françaises sont très nombreux. Ils s'appellent Manet, Lafite, Préval, Vidaux, Dallest, Lay, Lombard ou encore pour les vagues migratoires plus tardives Bourzac, Malleuve, Bestard ou Lemoine. On trouve encore certains anciens qui témoignent du temps des plantations. La dame Bourzac âgée de 92 ans aime à répéter la phrase qu'on disait régulièrement chez son grand-père : " La vie est amère sans sucre ! hay que trabajar para saber lo ! " Comment mieux résumer la représentation du Français à Santiago. En même temps la vieille femme n'hésite pas à présenter son aïeul comme " Sin verguenza ", assurément il menait une vie légère. En se promenant dans les campagnes un Cubain avisé reconnaît un descendant de Français au raffinement de sa maison, à la qualité de la décoration. Toujours ces mêmes représentations qui bercent la légende. En travaillant sur ce thème, nous espérons comprendre les mécanismes d'insertion d'un groupe de réfugiés à une société d'accueil. Plus largement, nous espérons aussi apporter aux descendants des familles françaises de nouvelles pistes pour retrouver leurs cousins européens. Constitués en association, ils se retrouvent chaque samedi après midi au musée de la clandestinité sur les sommets de Tivoli, perpétuant ainsi la tradition des premiers Français : Courrier électronique : albertbeaufrand@yahoo.com
Les traces des premiers réfugiés sont abondantes. Nous avons
retrouvé 3400 personnes qui séjournèrent plus ou moins
longtemps à Santiago entre 1793 et 1809. Parfois il s'agit tout
simplement d'un nom retrouvé dans une liste de passagers ou dans un
recensement. D'autres fois il est possible de suivre assez
précisément l'histoire d'une famille. Les colons ayant perdu
l'essentiel de leurs papiers, brûlés ou abandonnés dans la
colonie française ont consciencieusement déclaré à
la fois leurs biens et leur filiation. Ils furent aussi amenés à
faire de nombreuses requêtes au près des gouvernements coloniaux
espagnols. On les retrouve surtout :
- Archivo General de Indias (AGI) - Séville - Centre des Archives d'Outre Mer (AOM) - Aix en Provence - Archivo Nacional de Cuba (ANC) - La Havane - Archivo Històrico provincial de Santiago de Cuba - Archivo General Poder Popularde Santiago de Cuba Cependant nous sommes toujours à la recherche de sources privées, correspondance entre les familles ou associés. Beaucoup de lettres de colons furent publiées (cf. bibliographie), mais de nombreux courriers sont certainement restés enfouis au fond des malles ou des tiroirs. Il est toutefois bien difficile de pouvoir les retrouver. Je remercie donc la radio Apple Pie de nous donner l'occasion de lancer un appel. Si vous possédez quelques documents, n'hésitez pas à nous contacter. Agnès Renault 52, rue des Sauveteurs, 76600 Le Havre Adresse électronique : agnes.renault@ac-rouen.fr |
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